Une équipe internationale d’astrophysiciens a conçu une simulation de notre univers, la plus complète et la plus réaliste à ce jour : «Uchuu». En modulant certains critères, les astronomes devraient être capables d’analyser le rôle, dans notre univers, d’éléments encore insaisissables comme la matière noire et l'énergie noire.
Ses dimensions sont comparables à la moitié de la distance entre la Terre et les galaxies observées les plus éloignées. Elle contient 2,1 trillions de particules de matière noire, dans un «cube» de 9,6 milliards d'années-lumière de diamètre. Mais de quoi parlons-nous ? Tout simplement de la simulation la plus vaste et la plus précise (à l’heure actuelle) de notre univers, réalisée par une équipe internationale de chercheurs.
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3 000 téraoctets compressés dans un disque SSD
Uchuu (Univers, en japonais), est téléchargeable et tient dans un espace de stockage de 100 téraoctets… pour peu que vous déboursiez entre 40 et 50 000 euros pour vous procurer l'un des rares disques SSD de cette taille, comme l’Exadrive de Nimbus. Mais si vous souhaitez juste accéder aux données en ligne, c’est possible : l’équipe d'Uchuu a publié ses données brutes sur skiesanduniverses.org, de sorte que vous puissiez explorer son «univers virtuel» autant que vous le souhaitez.
Parmi les 25 chercheurs embarqués dans ce projet fou, on compte des astrophysiciens de l’Université du Nouveau-Mexique, de l’Institut d’Astrophysique d’Andalousie, de l’Institut Max Planck de Munich, de l’Université de Chiba (Japon), de l’Institut Lebedev (Moscou), de l’Université de Bologne (Italie), de l’Université de La Plata (Argentine), du Centre d'astrophysique de Swinburne (Australie), et plus près de nous, du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM).
À l’état brut, quand elle n’a pas été «compressée» (via des calculs hautes performances), cette simulation représente 3 pétaoctets de données. Soit 3 000 téraoctets - l’équivalent d’un million de photos prises à partir d’un smartphone de 12 mégapixels. La création d'un modèle aussi détaillé nécessite en outre une puissance de calcul et un espace de stockage considérables. Ses concepteurs ont utilisé plus de 40 000 cœurs (cores) de microprocesseurs, pour réaliser 20 millions d'heures de calcul.
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Un outil pour percer le mystère de la matière noire
Pour concevoir Uchuu, les chercheurs ont utilisé l’un des supercalculateurs les plus puissants au monde, construit par l’Observatoire astronomique national du Japon (NAOJ) : l’ATERUI II. Objectif de cette simulation : «faciliter la compréhension des différents phénomènes astrophysiques d’un point de vue théorique». Éric Jullo, chercheur au LAM, indique : «Uchuu nous permettra d’étudier l’évolution de l’Univers avec un niveau de détail et un volume d’information sans précédent. Elle arrive notamment à point pour analyser les données qui nous arrivent des télescopes de dernière génération».
Grâce à son immense volume et sa haute résolution, Uchuu permet actuellement aux chercheurs du LAM de «simuler des galaxies dans un très large intervalle de masse, sur de très grandes régions du ciel». Ce qui aurait déjà permis, selon l’astrophysicienne Athanasia Gkogkou, en poste à l’observatoire marseillais, «une avancée sans précédent dans le domaine des observations radio sub-millimétriques».
À noter que cette simulation de l’univers permet aussi de retracer la formation et l’évolution de la matière, tout au long de la «quasi-totalité» de l’âge de l’univers ; soit 13,8 milliards d’années. «Le niveau de détail d'Uchuu est suffisamment élevé pour que les chercheurs puissent tout identifier, des amas de galaxies aux halos de matière noire des galaxies individuelles. Comme la matière noire constitue la majeure partie de la matière de l'univers, elle est le principal moteur de la formation des galaxies et des amas», précise la dernière présentation du projet, publiée sur arXiv.org en juillet 2021. «En combinant ces simulations, nous pouvons suivre l'évolution des halos et subhalos de matière noire, allant de ceux qui hébergent des galaxies naines aux amas de galaxies massives, sur un volume sans précédent», notent les scientifiques.
Les prochaines versions d’Uchuu comprendront des cartes de lentille gravitationnelle et des catalogues de galaxies fictives, d'amas de rayons X et de noyaux actifs de galaxie.
Finalement, «en modifiant différents aspects de cette simulation cosmique, les astronomes pourront peut-être découvrir comment des éléments comme la matière noire et l'énergie noire jouent un rôle dans notre univers», concluent les concepteurs d’Uchuu dans Universe Today. Rappelons que la matière noire reste un véritable mystère, qu’elle n’a jamais été directement observée, et que ses propriétés restent inconnues.
Sources : Universetoday, LAM, arXiv.org